Article paru dans la revue Auto Pro, juin 2001, revue interne de la Corporation des Professionnels de la Mécanique et de l'Automobile.
Tandis que d'aucuns cultivent fleurs et légumes, ici, à un kilomètre du centre historique de Molsheim, ce sont de charmantes petites voitures symaptiques qui poussent dans les prés et jaillissent d'entre les arbres. Quelque 200 2CV vous scrutent de leurs yeux malicieux : vous êtes au paradis de Laurent Philipps-Dantlo, un jardinier hors du commun. cultivé par sa main experte ( plus noire de cambouis que verte !), ces voitures se laissent admirer tous les après-midi de 14 h à 17h et le samedi matin.
L'histoire de cette passion hors du commun commence en 1988. Laurent Philipps-Dantlo a 18 ans et vient de décrocher son permis. Alors étudiant en Théologie Catholique, il n'a pas trop les moyens . Il achète donc une Dyane. Elle a la réputation de ne pas être chère, d'être économique et facile à réparer !
Elle a fonctionné deux jours se rappelle Laurent Philipps-Dantlo. N'ayant pas d'argent pour l'emmener au garage, il met la main à la pâte.
A l'époque je ne savais même pas faire un niveau d'huile confie-t-il. Mal outillé il lui faudra un week end pour changer un frein !
Celui lui coûte si cher d'acheter les pièces détachées qu'il décide d'acheter une autre Dyane pour en prélever les pièces. Et puis il décide de remettre la deuxième Dyane en état...
"J'avais mis le petit doigt dans l'engrenage."
En 1990 il achète une 2CV de 1959. Le capot est en tôle ondulée. Un frein sur quatre fonctionne. Il achète une seconde 2cv, un modèle de 1956 poour réparer celle de 1959. Aujourd'hui sa collection est presque complète : il a presque atteint son objectif qui est de disposer d'un modèle de 2CV de chaque année.
Une voiture révolutionnaire
Les plans de la 2CV étaient prêts avant guerre. Ils ont été soigneusement cachés pendant les hostilités pour ne pas être volés. C'est au salon de 1948 qu'elle sera présentée la première fois. Légère, pas chère, originale, elle correspond bien aux besoins d'un pays en pleine reconstruction explique Laurent Philipps-Dantlo. Sa technologie est révolutionnaire : elle dispose d'un moteur bi-cylindres à plat opposés, très poussé et précis et d'un refroidissement à air. Un vrai petit moteur d'avion, une merveille de la technologie. A l'époque elles sont toutes grises. Jusqu'en 1954 elles seront équipées d'un moteur de 375 cm3 qui permet d'atteindre les 60/70 km/heures, en descente avec le vent dans le dos! En 1955 la motorisation passe à 425 cm3. Cinq ans plus tard elle gagne en confort et se pare d'enjoliveurs et de couleurs : jaune, vert, rouge, bleu...
En 1970 la 2cv 6 apparait sur le marché. Sa motorisation de 602 cm3 lui permet d'atteindre les 100 kilomètres heures. Elle est beaucoup plus luxueuse et la mécanique change. En 1982, les freins à disque remplacent les freins à tambour.
La construction de la Deudeuche s'arrête en 1990.
Maintenir la 2cv sur la route.
Voici 4 ans, Laurent Philipps-Dantlo a crée sa société Ami de la 2cv Sarl dont l'objectif est de maintenir la 2CV sur la route. Pour cela il restaure et revend des 2CV. Il répare à la carte. Depuis le mois de janvier il n'assure plus la partie carrosserie qu'il sous-traite à Caa Automobiles. Il permet aussi à des particuliers de remettre leur voitures en état eux mêmes en leur procurant les pièces nécessaires : planchers, capot, châssis, et tout ce qu'il faut pour les faire rouler. On fait refabriquer des pièces chez des artisans, on rachète des stocks chez des sous traitants. Je fais refaire des châssis en tôle galvanisée chez Wheels à Haywards en Angleterre explique Laurent Philipps-Dantlo.
La difficulté bien sûr c'est le prix de vente d'une Deudeuche restaurée avec amour qui varie entre 30 000 et 50 000 Francs.... Il y a de nombreuses heures de travail et pas mal de pièces à changer. mais les gens ont toujours dans la tête qu'une 2CV c'est pas cher !
En revanche, l'achat est parfois difficile à négocier : les particuliers en veulent beaucoup parce qu'ils ont l'impression que ce sont des voitures de collection. Ce qui est faux. Il y en a encore beaucoup à acheter et à rénover.
Un capital sympathie particulier
Heureusement la Deudeuche reste une voiture qui attire la sympathie et qui dispose d'un vrai public de passionnés. J'ai beaucoup de clients de 40/50ans qui veulent retrouver le style baba cool de leur jeunesse, quand ils conduisaient leur 2cv colorée avec des marguerites sur leur capot ! La 2CV c'est le minimum automobile. Plus qu'un véhicule, c'est un art de vivre, une philosophie. Dernièrement un client lui a avoué que depuis qu'il roulait en 2CV il gérait mieux son stress : "je pars dix minutes plus tôt pour être arrivé à l'heure au travail et je ne me pose plus la question de doubler d'autres voitures sur la route !" lui a-t-il confié.
Il est vrai que c'est une voiture originale, décapotable, malicieuse,avec un petit air rétro...
La seule qui ose montrer ses formes. Sa bouille ronde a fait des adeptes dans de nombreux pays et jusque dans l'île de la Réunion et au Japon.
Laurent Philipps-Dantlo en a remis près de 500 sur les routes. Et ne compte pas s'arrêter de si tôt même s'il vit tant bien que mal de son activité. car c'est une voiture passion qui suscite l'aventure et les rencontres. Parti cet été en Afrique pour offrir à une Mission une 2CV destinée à devenir biblio2CV, la voiture de Laurent Philipps-Dantlo a attiré à chaque halte une foule de sympathisants...
Chacun avait son histoire de 2CV à raconter.
"La Deudeuche c'est une sorte de patrimoine commun à partager encore !"