André Citroën, un pionnier

Lorsqu'au lendemain de la guerre 1914-1918, en 1919 exactement, la presse française annonçait, à grands renforts de publicité, la naissance de "la première voiture française fabriquée en grande série", sous la marque Citroën, bien peu de personnes -tout au moins dans le grand public- avaient entendu prononcer ce nom. Pourtant, André Citroën s'était déjà distingué dans un autre genre de construction en grande série, celle des armements de guerre en particulier.Cette méthode était, à l'époque, considérée comme révolutionnaire, bien qu'elle fût appliquée depuis quelques années outre-Atlantique. L'esprit français éprouvait néanmoins une certaine réticence à l'appliquer : cela nécessitait un outillage nouveau et coûteux, le bouleversement total des organisations existantes.

Citroën aborda le problème avec autant de courage que d'espoir et de confiance. La guerre avait considérablement appauvri le parc automobile national ; à ce moment il se trouvait réduit à environ 100 000 voitures de tourisme. Il importait donc de pouvoir offrir, le plus rapidement possible, une voiture de consommation moyenne, à un prix d'achat réduit au minimum, susceptible de rendre service dans les délais les plus brefs à une économie générale qui devait se relever des conséquences d'une guerre longue de près de 5 ans.

On vit donc paraître la 7 CV Citroën, Type A, qui produisit un effet considérable sur le marché automobile, tant elle répondait aux besoins présents. Modèle populaire par excellence, elle fut suivie, quelques temps plus tard, par un autre modèle qui connut un succès prodigieux : la fameuse 5 CV dont on voit encore quelques spécimens en circulation aujourd'hui. [c'est à dire en 1950 !]

Véritable pionnier en matière de fabrication automobile, Citroën devait poursuivre son effort sans défaillance. Aux environs de 1925, les carrosseries étaient encore construites de bois et de tôles assemblées. Un slogan -fort juste d'ailleurs- fut lancé : " le poids, voilà l'ennemi ". On essaya de remplacer la tôle par du pégamoïd ; ce furent les carrosserie "Weymann", qui s'avérèrent catastrophiques dans les accidents.

En cette circonstance, Citroën se révéla de nouveau comme un pionnier en installant dans ses usines les premières presses à emboutir de ce modèle en Europe. Matériel monstrueux pour l'époque, qui permettait d'obtenir des carrosseries entièrement en tôle, résistantes et plus légères que l'assemblage bois et tôle, à un prix de revient moins élevé du fait d'être moulées en une seule opération.

Pionnier, Citroën le fut encore en 1934 lorsqu'on vit apparaître les premières traction-avant" à qui, les moins timorés prédisaient une existence éphémère. Pionnier toujours, Citroën le fut en réalisant le moteur suspendu, la soudure caoutchouc-métal et combien d'autres " astuces " qui asseyaient définitivement sa réputation d'innovateur, de chercheur et de réalisateur.

Ce cerveau, d'une puissance remarquable, devait également subjuguer le monde entier en matière de publicité. Considérée avec juste raison comme le "nerf du commerce" par les Américains qui attribuent des budgets fabuleux à la publicité, cette branche ne fut pas négligée par Citroën qui illumina la Tour Eiffel de lettres immenses composant son nom, offrant ainsi aux yeux de tous les commerçants ébahis la publicité la plus haute du monde. Ce fut lui encore qui envoyait dans le ciel Halfway Between the Gutter and the Stars .

Plus personne, dorénavant, ne devait ignorer la marque au "double chevron" dont les voitures accomplissaient tant d'exploits, aussi bien dans le public qu'en des raids spectaculaires, tels la célèbre Croisière Noire, la Croisière Jaune, etc.

Les premières 2 CV Citroën

2 CV 1950André Citroën devait mourir en 1935, mais il avait su s'entourer d'une pléiade d'ingénieurs distingués, de collaborateurs tellement imprégnés de son dynamisme et de son esprit d'avant-garde, que ceux-ci surent maintenir le flambeau qu'il avait si brillamment allumé au faîte de la construction automobile française. Jamais les Usines Citroën ne connurent de fléchissement et, fidèles aux traditions initiales, les animateurs de cette société envisagèrent, à la fin de la dernière guerre, le problème qui se posait à nouveau de mettre à la disposition de la clientèle un véhicule économique, simple et robuste à la fois. Ce problème était d'autant plus ardu à résoudre que cette seconde guerre avait fait sentir ses désastreux effets beaucoup plus profondément que la précédente : la matériel avait été, ou détruit, ou usé sans possibilité de remplacement immédiat ; les approvisionnements de matières premières étaient précaires; enfin, et surtout, les hommes eux-mêmes avaient singulièrement souffert.

Néanmoins, au Salon de 1948, on voyait, pour la première fois, la silhouette d'une voiture encore mystérieuse, dont tout le monde parlait, mais que personne ne connaissait en détail. Les premières 2 CV Citroën sortirent des usines en juillet 1949, à le cadence de 4 voitures par jour. Leurs débuts dépassèrent toutes les prévisions, tant cette petite voiture répondait aux désirs d'une clientèle de plus en plus nombreuse.

Il est exact que c'est le véhicule idéal pour les artisans, pour la sage-femme ou le vétérinaire de campagne (sic !) qui doivent avoir à leur disposition, à toute heure et quelle que soit la saison, un moyen de transport prêt à partir à la première sollicitation, capable de passer dans tous les chemins, avec lequel ils sont à l'abri des intempéries et qui verra le réparateur le moins souvent possible. Le représentant de commerce y transportera ses échantillons en toute sécurité, même s'ils sont volumineux, et ses frais de déplacements seront réduits au strict minimum. Et combien de jeunes ménages sont heureux de faire leur promenade, avec bébé, sa voiture pliante et des amis, à un prix de revient inégalable de bon marché.

On conçoit aisément qu'actuellement, en sortant environ 300 voitures par jour, cette cadence soit insuffisante à satisfaire toutes les demandes. Et ceci d'autant plus que la réputation "d'increvabilité" de son magnifique petit moteur est maintenant solidement installée dans l'esprit de tous, que tous ceux qui sont montés une seule fois dans une 2 CV Citroën sont éblouis par le confort qui leur est offert, tant par l'espace que par la suspension.

Cette suspension est , là encore, une preuve des conceptions d'avant-garde (nous allions dire révolutionnaires, et nous ne croyons pas que le terme soit exagéré) qui se manifestent avec autant de bonheur dans les travaux des successeurs d'André Citroën.

Ne soyons donc pas étonnés de voir, aujourd'hui, tant de 2 CV, aussi bien en ville qu'à la campagne. C'est une petite voiture qui nous a déjà surpris par tous ses agréments, qui nous surprend chaque jour par tous ses avantages, et qui nous surprendra encore par sa longévité.